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La DEP, le nouvel outil de lissage du revenu

Fiscalité. Exit DPI et DPA, bienvenue à la déduction pour épargne de précaution (DEP). Toutefois, si ce nouveau levier de défiscalisation a de quoi intéresser les producteurs de lait, son utilisation, assez complexe, nécessite de se faire accompagner.

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Depuis le 1er janvier 2019, la déduction pour épargne de précaution (DEP) remplace la déduction pour investissement (DPI) et la déduction pour aléas (DPA) comme solution de lissage du revenu. DPI et DPA ont connu des fortunes diverses dans les années passées. La DPA avait un rôle de lissage du revenu en cas d’aléas, climatique, sanitaire ou économique. Mais le dispositif assez restrictif et la contrainte d’une épargne monétaire, de 50 % au minimum, font qu’elle a été assez peu pratiquée.

Au contraire, la DPI a connu un grand succès, notamment avec l’imputation sur le matériel. Elle a même été accusée d’inciter à des surinvestissements dans les exploitations, jusqu’à ce qu’en 2012, la DPI pour acquisitions d’immobilisations amortissables (matériels) soit abrogée. Elle restait cependant très avantageuse pour les éleveurs, qui s’en servaient pour l’acquisition et la production de stocks de produits ou d’animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an. Comme il était possible d’utiliser la déduction fiscale sur l’accroissement de stock à rotation lente (cheptel), la DPI servait davantage d’exonération fiscale que de lissage du revenu. Son fonctionnement était d’ailleurs dans le collimateur des autorités européennes. Désormais, ces deux déductions, DPI et DPA, n’existent plus.

« La volonté de l’administration et de la profession a été de maintenir un mécanisme de lissage des revenus par un dispositif­ fiscal, facilement accessible, permettant de réduire les variations de résultat imposable et d’atténuer les effets des fluctuations économiques ou des aléas climatiques. Car il peut se passer dix-huit mois entre le revenu dégagé et l’impôt à payer dessus. Ce délai peut être encore plus long avec la MSA. L’autre volet est d’encourager les exploitants à se constituer une épargne de sécurité, les bonnes années, pour la récupérer quand la conjoncture s’inverse. C’est l’esprit de cette nouvelle DEP », explique Thierry Plantard, fiscaliste chez Cogedis.

Dans le cadre de la DEP, le montant annuel maximal de la déduction se calcule en fonction du bénéfice agricole (lire encadré « mode de calcul »). Le montant cumulé des DEP non réintégrées ne doit jamais dépasser 150 000 €. À la différence de la DPA, les sommes retranchées peuvent être réintégrées à l’assiette sociale et fiscale dans les dix ans suivant l’année de leur déduction, afin de faire face à une dépense professionnelle, et sans aucune condition particulière.

Obligation de constituer une épargne

Mais pour opérer cette déduction fiscale, l’exploitant a l’obligation d’épargner une somme comprise entre 50 et 100 % du montant déduit. Cette épargne peut prendre plusieurs formes. Monétaire, sur un compte bancaire spécifique où tous les mouvements seront liés à la DEP. « Ce n’est pas de l’argent bloqué, l’exploitant peut le récupérer à tout moment mais il aura en contrepartie une contrainte fiscale. Il faut donc qu’il soit très vigilant dans le suivi et la gestion de ce compte d’épargne », rappelle Thierry Plantard.

Autre possibilité, l’épargne monétaire peut être constituée au sein d’une coopérative ou d’une organisation de producteurs. Dans ce cas, la coopérative propose un contrat pluriannuel à son adhérent qui accepte de laisser à disposition, sur un compte coopérateur spécifique, la différence entre un prix de référence et le prix de vente observé lorsque celui-ci est supérieur (voir encadré). Mais un éleveur peut aussi satisfaire à cette condition d’épargne obligatoire avec une épargne sur stock à hauteur des coûts de revient engagés dans l’exercice pour constituer des stocks à rotation longue (de plus d’un an) ou des stocks fourragers. En élevage laitier, le cheptel est un levier idéal pour utiliser cette option. « La difficulté est qu’il faut cibler cette épargne, animal par animal, et avec une traçabilité permanente. À tout moment, le solde d’épargne doit représenter entre 50 à 100 % du solde de la DEP. Si l’épargne descend en dessous des 50 %, il y a obligation à réintégrer de la DEP, avec des charges fiscales et sociales­ en conséquence. C’est donc un suivi complexe qui suppose de disposer d’un logiciel spécifique », explique Thierry Plantard.

En élevage laitier, faire de la DEP avec une épargne sur cheptel permet d’éviter­ de mobiliser de la trésorerie. Et utiliser les animaux les plus jeunes, comme les génisses de moins de un an, pour constituer cette épargne est intéressant. Cela donne de la souplesse en matière de délai pour gérer cette DEP, car ce sont les animaux qui sont destinés à rester le plus longtemps sur l’exploitation. Afin de prévenir la situation d’animaux partant prématurément, il est possible de se donner une marge de sécurité. « La DEP suppose une gestion pluriannuelle avec un ratio épargne restante/solde de DEP toujours supérieur à 50 %. On part souvent sur une épargne sur stock supérieure à 50 % pour garder une marge de manœuvre avant dedevoir réintégrerde la DEP. »

« Ce n’est pas de l’exonération, il y a des surcoûts dans le futur »

Et Thierry Plantard de conclure : « La DEP est un outil de lissage du revenu intéressant, avec plusieurs paramètres à prendre en compte : l’imposition, les cotisations sociales, les prestations familiales. Mais il faut accepter d’encaisser des surcoûts dans le futur, contrairement à la DPI lorsqu’elle s’utilisait­ comme outil d’exonération. Le montant de la DEP se décide chaque année au cas par cas. C’est intéressant pour les éleveurs laitiers en phase de développement notamment, où le revenu peut être supérieur à la trésorerie disponible. La DEP n’est pas non plus le seul outil fiscal pour lisser le revenu : moyenne triennale, amortissement, etc. Il faut donc analyser la situation individuellement sur chaque exploitation. »

Dominique Grémy

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